Le Garde-mots

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lundi 1 novembre 2010

Faux et usage de faux

L'affaire se mesure à l'aune du destin
Du passé décomposé
Du silence et de la déraison

Apparaît une vieille
Amoureuse des hommes
Au crâne chauve
Au rêve impertinent

La dernière à sourire
La première dans le champ du probable

Complice du destin
Nue
Indécente
Stérile

Solitaire
Elle tisse pour nous
La parure de l'aube

La sentence est toujours la même :
Elle fait semblant de pâlir en notre nom
Et nous emporte vers l'inconnu

vendredi 27 août 2010

Animation

Action de communiquer la vie. Du latin animatio, lui-même de anima,  souffle vital. « Âme » à la même étymologie.

Une petite illustration pour mieux apprécier ce mot ?

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lundi 5 juillet 2010

Il était une fois un roi

Il était une fois un roi
(jusqu’ici il s’agit d’un conte)

Il était une fois une reine
(
le conte peut maintenant devenir légende)

Il était une fois une servante
(indispensable pour que cette histoire ait une fin)

*
Le roi se disait philosophe
La reine se changea en prostituée (sacrée mais fidèle)
La servante était ouverte à tous les silences

*
Vint la parole
Qui nomme les choses

Le calcul
Qui s‘en empare

L’ambition
Qui les déconstruit

*

Il fallut donner un nom
À ce petit monde

*

Le roi prit le beau nom d’Homme
Afin de perpétuer sa race

La reine reçut celui de Terre
Le plus nu de tous les remerciements

La servante n’avait pas de nom
Car elle était mauvaise conseillère
Et faisait disparaître les érudits

Alors on l’appela la mort
Mais personne n’a jamais su
Si ce nom était inventé

lundi 8 mars 2010

Le photographe

La mission du photographe est d’exécuter, de manière aussi nette que possible, même si ce n’est pas lui qui déclenche. Son diaphragme est un peu resserré, son angle de vue très précis, trop précis sans doute, c’est pourquoi il fait bien attention à ne pas être à contrejour dans la froideur du petit matin. Son objectif est de s’assurer que la tête de son client ne sortira pas du cadre. En aucune manière elle ne doit bouger même s’il ne s’agit pas exactement d’un portrait.

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lundi 7 décembre 2009

Oscar et la Dame Rose

La Dame Rose
Eric-Emmanuel Schmitt présentait jeudi en avant-première à Lyon, sa ville natale - il est très exactement originaire de Ste-Foy-lès-Lyon - son deuxième film, Oscar et la Dame Rose. Tout le monde a lu, lit ou lira le roman paru en 2002 sous ce titre, traduit en plus de 40 langues mais personne n’aurait imaginé qu’il  pouvait donner un bon scénario. Pas même l’auteur, sans doute, puisqu’il en a refusé les droits à de nombreux réalisateurs. Il a fini par se décider à le tourner lui-même et il a bien fait. Pourtant ce roman par lettres paraissait  inadaptable. Le théâtre s’en est emparé, certes, avec brio mais c’était, si on ose dire, facile. Il « suffisait » de mettre en scène le texte pour le faire fonctionner. Au cinéma les conventions sont différentes. Un film intimiste aurait échoué. Eric-Emmanuel Schmitt, tout en conservant la trame de l’histoire et l’essence des personnages, a conçu une nouvelle approche, donné du rythme et de la fantaisie, pris le parti de l'onirisme.  Le film est drôle, humaniste et regorge de trouvailles. On frémit pour l’auteur quand on songe aux risques qu’il a pris. Une chose est sûre, en tout cas, il n’y avait que lui qui pouvait se donner les libertés nécessaires et, comme il le dit lui-même « mettre en images  quelque chose que j’avais déjà mis en mots ».

Les comparatistes forcenés trouveront une parenté avec Fellini mais ce serait faire injure au réalisateur que de réduire son film à cette dimension, aussi flatteuse qu’elle soit. Il s’agit d’une œuvre originale où deux acteurs donnent le meilleur d’eux-mêmes. Michèle Laroque, dans son rôle de marchande de pizza reconvertie malgré elle en thérapeute, arrive encore à nous surprendre. Le rôle d’Oscar est tenu par Amir Ben Abdelmoumen, qui donne à son personnage une incroyable présence.

Oscar, dix ans, est beau, intelligent, généreux, perspicace, plein d’humour, philosophe. Il lui faut, pour mourir dignement, être initié aux mystères de la vie, et c’est la dame rose qui s’en charge. À la fin de l’histoire Oscar n’est pas celui qu’il aurait été sans leur rencontre, mais, de son côté, la dame rose n’aura jamais plus le même regard sur la vie.

Un des secrets du film est sans doute l’harmonie des impressions sensorielles, autrement dit la synesthésie. C’est dans ce contexte qu’il faut situer le court instant où la musique de Michel Legrand s’arrête, où le silence prend une valeur métaphorique. Il donne à entendre que la mort vient de saisir Oscar et notre émotion va bien au delà de la puissance de l'image.

On aime également découvrir comment E.E. Schmitt parvient à rendre le temps élastique. Il le ralentit et l’accélère à sa guise. Mes propos vous paraissent ésotériques ? Courez voir Oscar et la Dame Rose car le film demande à être vécu plus que raconté. À tel point qu’il n’est pas grave de vous dire qu’Oscar meurt à la fin. Le suspense est ailleurs. Je mentirais en affirmant qu’il est dans les cadrages, la saturation des couleurs, les très beaux clairs-obscurs, l’évolution des personnages, le rythme du montage, la musique : il est dans le fait de savoir comment tous ces paramètres vont évoluer jusqu'à la scène finale. « Je cherche des vibrations » déclare E.E. Schmitt après la projection. Il trouve les nôtres, nous libérant ainsi de notre inquiétude première. Quand on aime son œuvre on entre dans la salle obscure en se demandant si on ne va pas être déçu. On est surpris, à la sortie, d’avoir été ne serait-ce qu'effleuré par une telle pensée. Et l’on se dit que jamais Eric-Emmanuel Schmitt n’aurait eu ni l'imprudence ni l'audace de trahir ses lecteurs.

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lundi 21 septembre 2009

Onirocritique

Art d'interpréter les songes. Du grec oneiros, rêve.

Mots voisins

Rêve. Représentation mentale de ce qui vient à l'esprit en dehors de toute volonté pendant le sommeil, sous forme d’images qui défilent sans ordre logique et ne laissent en mémoire qu'un souvenir confus. De l'ancien français resver, délirer à cause d'une maladie.

Songe. Rêve auquel on prête une valeur d'avertissement. Le terme a été synonyme de rêve, jusque vers 1650. Du lat. somnium, songe, rêve, chimère, extravagance.

Cauchemar. Rêve pénible ou effrayant qui produit de l’angoisse et provoque le réveil.

Onirique. Qui appartient au domaine du rêve.

Onirologie. Étude générale des rêves.

Onirologie diachronique. Étude de la latence entre l'événement vécu pendant l'éveil et sa réapparition dans un souvenir manifeste de rêve.

Oniromancie. Divination par les rêves.

Pandiculation. Étirement généralisé des muscles lorsqu'on est près de céder au sommeil.

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vendredi 21 décembre 2007

Hymne à la vie

Derniers Fragments
Voici un livre tout aussi fascinant que Mars de Fritz Zorn, mais dont l'écriture, généreuse et limpide, se situe aux antipodes. Christiane Singer est décédée cette année d'un cancer à l'âge de 64 ans. De sensibilité chrétienne, imprégnée de philosophie orientale (bouddhisme, hindouisme, soufisme) et de traditions hébraïques, elle a écrit de nombreux romans et essais d'une grande qualité littéraire, dont La Mort viennoise (1978), Histoire d’âme (1988, prix Albert Camus), Rastenberg (1996), Éloge du mariage de l'engagement et autres folies (2000), Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? (2001), Seul ce qui brûle (2006). Née à Marseille de parents austro-hongrois, elle vivait au château médiéval Rastenberg, en Autriche.

Son dernier ouvrage Derniers fragments d'un long voyage est une chronique inspirée dans laquelle elle consigne sa fin de vie. Le 1er septembre 2006, un jeune médecin lui annonce qu'elle a, au plus, six mois devant elle. Tout au long de son séjour dans une unité de soins palliatifs de Vienne, elle confie à la page blanche, bien plus que ses monstrueuses douleurs, la manière dont elle les surmonte par ce qu'elle appelle un "travail de grâce". Le 1er mars 2007, soit six mois jour pour jour après le verdict du médecin, elle referme son journal. Elle survivra un mois à sa dernière phrase mais ne la verra pas dans sa forme imprimée.

Christiane Singer le reconnaît elle-même, elle a une "foi démesurée". Projections, voyages astraux, extases et même une vision du Christ, apparu pendant qu'un prêtre lui donne la communion, transcendent sa passion : en dépit de sa souffrance elle poursuit jusqu'à la compassion et à l'amour universel le travail de vie qu'elle a toujours accompli. Elle n'écrit pas seulement pour espérer, comprendre et se souvenir mais également pour donner au lecteur ce qu'elle reçoit à travers son tourment. Intentionnellement ou non, cette autoscopie terminale, mystique, sincère, communicative, nous met dans un état où la mort n'est plus qu'un symbole à déchiffrer et à repenser. Aboutissement de toute une œuvre et de toute une vie, ces Derniers fragments d'un long voyage dérangent, certes, mais c'est pour nous mettre face à notre propre vérité.

lundi 17 décembre 2007

Mars ou crève

MarsMars est le titre bref et guerrier d'un essai autobiographique dans lequel Fritz Zorn (1944-1976) analyse de manière simple et lucide le lien entre son cancer et son éducation. Il est mort à trente-deux ans, le jour même où son éditeur devait venir à l'hôpital lui annoncer qu'il acceptait son manuscrit. Il ne saura jamais qu'il a laissé un livre important.

Né à Zurich sur la bonne rive du lac, celle qu'on appelle "la Rive dorée", il grandit au sein d'une famille aisée où règne une harmonie si parfaite qu'il en mourra. Enfant tranquille, poli, résigné, "terriblement sage", il ne jure jamais, évite tout ce qui pourrait être grossier, impur. C'est un petit adulte qui vit dans une somptueuse villa où l'on aime "à être correct plutôt que vivant". Les tabous, les non-dits, les mensonges font que sa jeunesse se déroule sans histoire.

Une fois parvenu à l'âge d'homme il est seul, atrocement seul, et d'une timidité maladive. Il n'a aucune vie sexuelle, laquelle lui paraît répugnante aussi bien avec les femmes qu'avec les hommes. D'ailleurs il éprouve un sentiment de honte pour les réalités du corps, le mot même lui est insupportable. Il redoute sa propre nudité. Il a peur de rougir, ce qui provoque facilement, chez lui, une rougeur émotive. Il considère son cancer comme le résultat logique et implacable de sa vie sans relief, où le désir est interdit. Sans relief mais non sans joie car, s'il est lui-même dépressif et névrosé, il n'en est pas moins, à l'époque où il est étudiant en linguistique, l'ordonnateur des fêtes de ses camarades.

Il raconte son histoire pour tenter de découvrir comment il a pu être victime d'un lymphome malin, en quelque sorte il cherche à comprendre pourquoi il est sur le point de mourir libéré. Après une longue hésitation il tente de se sauver lui-même par la psychothérapie : elle lui permettra au moins de comprendre son histoire, si ce n'est de s'en débarrasser. Elle lui donne l'occasion d'inventer des expressions qui le protègent et nous donnent les clés de sa vie intérieure : "idiotie affective", "désespéré normal", "garant du milieu bourgeois cancérigène". Elles montrent à quel point ses défenses - le véritable fil rouge du livre, - constituent autant d'îlots de résistance.

Il écrit sous le pseudonyme de Fritz Zorn (colère) mais son patronyme est Fritz Angst (peur, angoisse). Choisi ou hérité, le nom derrière lequel il abrite sa désespérance est pétri de connotations négatives, encore que la colère constitue un progrès par rapport à l'angoisse. C'est un premier pas, une tentative symbolique pour aller vers l'extériorisation. Il est en colère contre la société policée, les banquiers suisses, la vie qui ne sait pas le retenir. La révolte est en marche, la haine gronde, la révolution pourrait bien avoir lieu, à moins que l'appel au Diable ne soit une tentation trop forte. En tout cas, de son aveu même, il est en état de "guerre totale".

La distance entre ce qui est exprimé et la réalité sous-jacente est sans doute ce qui fait tout l'intérêt de cette écriture froide, distanciée, comme détachée. L'extrême solitude, le manque d’amour, la négation des besoins sont analysés avec précision. Fritz décrit son refoulement natif, l'éducation rigide et conformiste qui va le tuer, sans jamais obliger le lecteur à entrer dans son désespoir, sans rechercher la compassion. Décrivant sa maladie il va jusqu'à employer la métaphore du nazisme. Il stigmatise les "bonnes intentions" de ses parents qu'il compare aux "bons Allemands" qui, dans les camps de concentration, n'avaient fait qu'exécuter les ordres du Führer. Comme il le dit lui-même, il "a été éduqué à mort" et cependant il est prêt à leur pardonner. Hélas pour lui, il nous quitte au moment où il est au bord de mettre des mots sur ce qui lui arrive : "Chaque chose a son nom, la mort a aussi le sien." Un tel livre, que la pudeur interdit de qualifier de littérature, encore moins de chef d'œuvre, ne laisse pas indifférent. Sa lecture est l'occasion de prendre une leçon de vie et ce n'est pas le moindre de ses paradoxes.


[Vendredi nous parlerons d'un autre livre
à la fois semblable et différent.]

vendredi 2 novembre 2007

Vanité

Les Ambassadeurs

Hans Holbein le Jeune. Les Ambassadeurs.
1533. National Gallery (Londres).

Flottant près du sol, une forme incertaine qu'on a souvent nommée "l'os de seiche" : il s'agit en fait de l'anamorphose d'un crâne humain. A défaut de cylindre réfléchissant, vous pouvez le deviner avec le dos d'une cuillère.

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lundi 9 juillet 2007

Catastrophe

Je me suis marié deux fois, deux catastrophes :
ma première femme est partie,
la deuxième est restée.
Francis Blanche.

Événement brutal, d'origine naturelle ou humaine et qui a des conséquences effroyables, très souvent la mort. Du grec katastrophê, bouleversement. Synonymes : abîme, accident, affliction, bouleversement, calamité, cataclysme, coup, débâcle, désastre, détresse, drame, épreuve, fatalité, fléau, infortune, krach, malédiction, malheur, ravage, revers, séisme, tragédie, tribulation.

Flèche Dans le texte qui suit vous pouvez passer votre pointeur sur les mots soulignés.

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